Dans la plupart des pays musulmans, le jeûne du Ramadan est rompu avec des dattes et du lait fermenté, un petit en-cas léger destiné à relancer le système digestif avant le grand repas. Dans l’Empire ottoman, rien d’étonnant à ce qu’une alternative plus raffinée ait vu le jour : le güllaç, un dessert qui évoque un plat de lasagnes baignant dans du lait.
En Turquie, deux préparations culinaires symbolisent plus que toute autre le mois du Ramazan (Ramadan) : le pide, le pain plat matelassé décoré de graines de nigelle, et le güllaç, un dessert ottoman traditionnellement parfumée à l’eau de rose (« güllü aş », soupe à la rose), dont on trouve trace dans le festin célébrant la circoncision des deux fils de Suleyman le Magnifique en 1539. Mais il est probablement bien plus ancien puisque les chroniques chinoises anciennes le décrivent comme faisant partie de la cuisine mongole. Charles Perry, l’expert en cuisine moyen-orientale et ancien chroniqueur gastronomique du Los Angeles Times, décrit le güllaç comme un « proto-baklava ».
La préparation du güllaç commence par la fabrication de très fines feuilles de pâte, un peu comme la pâte yufka servant à la préparation des baklavas. Ces feuilles de güllaç sont fabriquées en laissant sécher dans de grands plateaux une fine couche de pâte liquide composée de farine de blé, d’amidon de maïs et d’eau. À l’approche du Ramazan, les supermarchés turcs commencent à proposer de grands sachets de feuilles séchées destinées à la préparation du güllaç, par exemple de la marque « Saffet Abdullah », une maison familiale fondée en 1881, ou de celle des « Cömert Kardeşler » (les « Frères Généreux », tout un programme…) .
Pour préparer du güllaç, ces feuilles sont mises à tremper dans du lait sucré, puis une fois bien ramollies, elles sont empilées dans un plat. Toutes les deux ou trois feuilles, on saupoudre la préparation de noix, de noisettes, de pistaches ou d’amandes pilées, ou de noix de coco râpée. Ensuite le plat est couvert avec le lait ayant servi au trempage, parfumé d’eau de rose et/ou de vanille. Le tout est habituellement décoré d’une ligne de pistaches hachées et d’une cerise confite (ou de grains de grenade, en saison).
Le güllaç est un dessert léger et frais, pauvre en matières grasses, une exception dans les desserts orientaux. Cette particularité en fait un aliment particulièrement adapté pour « casser » le jeûne au moment de l’iftar, le repas qui suit la tombée de la nuit.
Pendant le Ramazan, toutes les pâtisseries turques proposent du güllaç, souvent d’une qualité inégale. À Istanbul, l’une des meilleures adresses pour découvrir le güllaç est, sans surprise, Karaköy Güllüoğlu, la pâtisserie reine des baklavas. Leur güllaç aligne une couche de noisettes, une couche de pistaches et une couche de noix de coco râpée, pour une expérience güllaçienne totale. Celui du restaurant ottoman Asitane est également réputé.