Rubrique : Viandes

Un bon gigot de sept heures, ça vous met l’eau à la bouche ? Ou bien un méchoui pour lequel vous vous êtes levé avant l’aube ? Les Kurdes ont imaginé une variation légèrement plus extrême sur le thème, le büryan kebabı. Un truc de dingue qui rend la viande d’agneau plus fondante qu’un biscuit à la cuillère. Mais pas question de le faire à la maison… sauf peut-être si vous habitez de plain-pied !

Pour faire un bon büryan kebabı, il faut des costauds et… des pioches. Voire quelques barres à mine. Éventuellement un peu de dynamite. Parce que le secret de ce mode de cuisson typique de la région de Siirt et de Bitlis, au sud-est de l’Anatolie, c’est la fosse. Une fosse cylindrique d’un bon mètre de diamètre et d’environ 2,5 mètres de profondeur. Ensuite, il faut tapisser les parois de briques réfractaires et prévoir un lourd couvercle hermétique. Une sorte de gigantesque tandoori.

Enfin, il faudra vous munir d’un cerceau garni de crochets de boucherie et y suspendre une bonne douzaine de demi-carcasses d’agneau fendues dans le sens de la longueur, sans les épaules ni les gigots. Après avoir chauffé la fosse en y menant un feu d’enfer jusqu’à ce que le fond soit couvert de braises, et y avoir placés quelques récipients remplis d’eau, il suffira d’y suspendre les demi-carcasses et de laisser la chaleur cuire la viande lentement, non sans avoir scellé le couvercle avec de la boue argileuse.

Pendant deux heures et demie, voire plus, les carcasses vont cuire dans un mélange de vapeur d’eau et de fumée de graisse, ce qui va rendre la viande à la fois tendre et extrêmement parfumée. L’extérieur des carcasses va ressortir doré et croustillant. Parce les agneaux sont mis à cuire au petit matin (voire parfois au milieu de la nuit), le büryan kebabı est plutôt un plat du petit-déjeuner (en Anatolie) ou du déjeuner (à Istanbul).

La viande est servie débitée en petits morceaux, avec ou sans os (kemikli ou kemiksiz), avec ou sans gratons (yağ ou yağsız), et posée sur un pain plat et rond de la taille d’une assiette à dessert, le tırnaklı ekmek. Le tout est réchauffé au four avant d’être servi. Parce que les agneaux utilisés sont âgés de six à huit mois, le büryan kebabı est, mmmm…, fort en goût ! Et parce qu’il s’agit d’agneaux anatoliens, ils ne manquent pas de bon gras qui imbibe délicieusement le pain placé sous la viande. Si l’agneau domine à Siirt et à Istanbul, les habitants de Bitlis préfèrent le büryan kebabı de chevreau, moins gras.

Typiquement, le büryan kebabı se déguste avec un perde pilav (un « riz voilé », du riz parfumé aux raisins secs, amandes, pignons de pin et poivre, cuit avec du blanc de poulet dans une aumônière de pâte en forme de petit kouglof) et avec une tasse d’ık ayran bien mousseux, le yaourt dilué et légèrement salé si parfaitement bon avec la viande rôtie. Une petite salade pour se donner bonne conscience, et hop !

À Istanbul, depuis trois générations, une excellente adresse pour manger un büryan kebabı : Siirt Şeref Büryan Kebap Salonu, situé sur une place piétonne au pied de l’aqueduc de Valens (qui date de 368 après J.C., excusez du peu…), dans le quartier appelé Kadınlar Pazarı (le marché des femmes, également surnommé « Le Petit Kurdistan »). Tout en admirant l’architecture romaine, vous pourrez faire le plein d’agneau fondant. Pour digérer, titubez jusqu’à la mosquée de Zeyrek voisine, constituée à partir de deux églises et d’une chapelle byzantines, actuellement en pleine rénovation.

Environ 10 € par personne, tout compris.
Ouvert tous les jours de 10h à 23h.

Itfaiye Caddesi N°4, Fatih, Istanbul
+90 212 635 8085

serefburyan.com

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Rubrique : Istanbul

À Istanbul, la recherche du meilleur restaurant de poisson relève du sport national. Un sport réservé aux plus nantis, ces restaurants étant souvent assez chers. Dès lors, comment résister à un restaurant de poisson qui est à la fois excellent et pas cher ? À deux pas de la tour de Galata, le tout petit Fürreyya Balıkcısı possède ces deux qualités.

Istanbul est une ville de poisson(s). Qu’ils soient de la mer Noire ou de la mer de Marmara (plus rarement de la Méditerranée, les Stambouliotes leur trouvant moins de goût, un peu comme des Bretons visitant le Midi…), les poissons rythment la vie de la cité. Les Doudes imaginent même y lancer un calendrier « Les Dieux du Bosphore » où chaque mois serait illustré par les espèces à manger en priorité ce mois-là : anchois (hamsi) en décembre-janvier, turbot (kalkan) en mars-avril, bar (levrek) en avril-mai, sardines (sardalya) en août-septembre, rouget (barbunya) en octobre-novembre, etc.

Outre sa qualité et son prix raisonnable, Fürreyya Balıkcısı a un atout en plus : au-delà des classiques poissons grillés (délicieusement frais), beignets de calamars (extra-tendres) ou soupe de poisson (proche des « chowders » américains), ce restaurant propose des plats originaux et savoureux : par exemple, le dürüm de poisson (pensez « fajita » croustillante) parfumé d’oignons caramélisés et de roquette ; ou les filets de daurade enroulés dans des feuilles de vigne et sautés (une tuerie) ; ou les köfte de poisson (des mini-hamburgers de poisson parfumés à la tomate et aux poivrons, légèrement fumés) ; ou la salade de morue frite ; ou, plus rarement, les mantı de poisson (des micro-tortellini).

Bref, chez Fürreyya Balıkcısı, on se pourlèche les babines dans une ambiance sympa, assez éloignée du traditionnel restaurant de poisson stambouliote, soit trop « je m’la pète », soit trop « dans son jus années 60 – néons blanchâtres – clientèle d’époque »… On peut accompagner son repas d’une salade mélangée et l’arroser de şalgam qui met en valeur le goût du poisson.

Si vous passez par Galata et si vous avez envie de poisson, prévoyez de dîner un peu tôt. Fürreyya Balıkcısı, même s’il s’est récemment agrandi, reste minuscule et les places sont chères. Au pire, vous pourrez toujours commander un dürüm à emporter et le manger en regardant la tour de Galata. Et après, posez vos fesses au Ceneviz Café, juste sous la tour, pour un verre de thé dans un joli petit amphithéâtre en plein air.

Environ 15 € par personne, tout compris.
Ouvert tous les jours de 11h à minuit, fermé le dimanche en été.

Serdar-i Ekrem Sokak 2, Beyoğlu, Istanbul
+90 212 252 4853

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Rubrique : Légumes

Ce n’est pas toutes les semaines que le Festin vous présente un plat qui figure au Patrimoine culturel immatériel de l’humanité ! Depuis novembre 2011, le keşkek fait partie de cette liste de « pratiques, représentations, expressions, connaissances et savoir-faire ». Car, plus qu’une recette, le keşkek est une tradition bien vivante en Anatolie, en Iran, dans le Sud-Caucase et dans certaines îles grecques.

Au premier degré, le keşkek est un plat archi-simple à base de viande et de blé écrasé. Rien de très excitant. Pourtant, ce plat rustique est l’un des piliers centraux des communautés rurales qui le pratiquent. Pas un mariage, une circoncision, une fête religieuse ou un pèlerinage sans keşkek. Même les prières pour la pluie s’accompagnent de ce plat qui est à la fois une nourriture, un chant et une communion.

Comme le sumalak ouzbek (dont nous vous parlerons un jour), le keşkek est un plat qui implique d’être cuisiné collectivement, à l’échelle d’une communauté ou d’un village. Il symbolise l’identité et l’effort communs, le partage, les traditions, la survie du groupe. Sa préparation et sa consommation sont tellement chargées symboliquement qu’elles sont devenues un élément essentiel de la cohésion du groupe. D’où l’inscription du keşkek au patrimoine culturel immatériel.

Tout commence la veille de la cérémonie autour de grains de blé lavés en récitant des prières, puis emmenés en procession au son d’un tambour et d’un hautbois traditionnels jusqu’à un large mortier en pierre. Les grains sont débarrassés de leurs enveloppes par deux hommes armés de pilons qui les frappent selon un rythme caractéristique, le « son du keşkek ».

Ensuite, les grains sont mis à cuire dans de grands chaudrons en cuivre étamé, sous la surveillance de « maîtres keşkiers » dont le savoir se transmet de génération en génération. Le blé est cuit avec des oignons, des épices et des morceaux de viande « sur l’os ». Le mélange doit être cuit à petit feu et remué en permanence pendant 24 heures. Les hommes se relaient toute la nuit et les membres de la communauté les accompagnent de leurs histoires, chansons, blagues, etc.

Le lendemain à midi, deux jeunes hommes choisis pour leur force écrasent le blé armés d’une sorte de cuillère en bois, pendant que des assistants enlèvent les os avec de longues pinces. Leurs gestes épousent le même rythme que celui utilisé pour battre les grains. Autour d’eux, la foule crie et chante, et les joueurs de hautbois entonnent une mélodie rapide qui ralentit progressivement lorsque le keşkek est prêt. Le keşkek est ensuite distribué à tous les participants, sans oublier ceux, âgés ou handicapés, qui n’ont pas pu se joindre à la fête.

Certains restaurants turcs, par exemple Çiya, proposent du keşkek sur leur menu. Quoiqu’excellent, ce keşkek-là ne possède pas les vertus symboliques de celui qui est préparé dans les villages d’Anatolie ou de la mer Égée. Mais en le dégustant, rien n’empêche de penser que, très indirectement, vous participez un peu à cette gigantesque communion qui célèbre le travail en commun, la solidarité et la fraternité.

Rubrique : Istanbul

À un jet de pierre de la maison des Doudes à Istanbul, à la limite de Cihangir et de Çukurcuma, un nouveau restaurant vient d’ouvrir dans ce qui était jusque-là la petite boulangerie historique du quartier. Un nouveau concept qui fait écho à l’histoire du lieu et qui se révèle être le énième avatar d’une cuisinière de génie.

Au départ, il y a une dingue de cuisine créative, Dilara Erbay, connue comme la louve blanche parmi les afficionados de la cuisine stambouliote. Après avoir tenu un restaurant dans la rue des Français, Erbay Hanım a apporté sa touche au restaurant Cezahir (qui ne semble pas s’être remis de son départ), puis connu son heure de gloire dans un vaste établissement au bord du Bosphore (Abracadabra, qu’il repose en paix).

Il y a quelques mois, après avoir débauché un maître-fournier d’Antakya, elle a mis le cap sur la microscopique boulangerie de notre quartier pour en faire Datlı Maya, un restaurant où tous les plats chauds/cuits sortent d’un four chauffé au bois. Pas d’autre moyen de cuisson, c’est le défi que s’est lancé Dilara.

Le lieu est unique. Pour atteindre la petite salle à manger (20 places en se serrant beaucoup), il faut traverser la boulangerie (en admirant le four historique et les mosaïques récentes), monter un escalier tortueux et bas de plafond, traverser la cuisine « froide », remonter trois marches et enfin poser ses fesses en faisant attention à ne rien renverser. Au coin de la pièce, un gros samovar est là pour vous abreuver de thé.

Chez Datlı Maya, vous pouvez déguster de délicieux pide et lahmacun, des soupes, des ragouts de légumes cuits dans des plats de grès (güveç), des dürüm (le « wrap » turc), des salades et d’autres créations selon le marché du jour et les fantaisies de la patronne ou de l’équipe. Un soir, le compte facebook de Datlı Maya nous a informés de l’imminente sortie du four d’un biriyani de poulpe (un riz indien cuit à l’étouffée). Nous avons accouru à l’heure dite et ne l’avons pas regretté. Datlı Maya propose également toutes sortes de gâteaux : cheesecakes, carrot cake, fondant au chocolat, cookies… et divers produits de boulangerie : simits, pains, etc.

Le mode d’emploi de Datlı Maya est simple : avant de monter à la salle à manger, jetez un œil sur ce qui sort du four, posez des questions, commandez ce qui vous tente… Quelques instants après, votre repas arrive sur une grande pelle en bois de boulanger. C’est frais, c’est délicieux, c’est original. C’est de la cuisine traditionnelle à son meilleur.

Si vous passez par Istanbul, ne ratez pas Datlı Maya avant que Dilara Erbay, la chef nomade, ne décide d’aller poser ses ustensiles ailleurs. Ses aventures en restauration sont autant de moments éphémères où l’ennui n’a pas le temps de ternir sa créativité et son amour des ingrédients de qualité.

Compter 15 € par personne tout compris.
Ouvert tous les jours de 8h à minuit – Livraison à domicile

Türkgücü Caddesi 59/A – Cihangir – Istanbul, Turquie (derrière la mosquée Firuz Ağa)
Tél. : +90 212 292 90 56/57
datlimaya.com

 

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Rubrique : Desserts & sucreries

Certains desserts ont un petit goût de fruit défendu, de plaisir si honteux qu’on préfèrerait les garder secrets. Foin d’hypocrisie, les Doudes vous révèlent un dessert übercochon qui, à chaque bouchée, fait monter la culpabilité et l’envie d’en manger davantage… Victimes du kerebiç / karabij, sortez du placard et vivez vos amours au grand jour !

C’est un soir d’août, dans une accueillante famille beyrouthine, que les Doudes sont tombés sous les attaques du karabij et de son diabolique complice, le natef. Alors que nous étions déjà au bord de la rupture d’estomac, soudain est apparue une forteresse de gâteaux circulaire défendant en son sein un onctueux nuage blanc. Une révélation, une immédiate addiction et un parfum de mystère : qu’est-ce donc que le shilsh al-halawa, cette plante indispensable à la confection de la mousse blanche ?

Quelques semaines plus tard, en pèlerinage chez Çiya Sofrası, les Doudes ont soudain eu une apparition : ils étaient là, les mystérieux gâteaux d’Achrafieh. Sous le nom turc de kerebiç, le natef étant lui devenu le köpük, littéralement la « mousse » (d’où parfois le nom de « köpük helvası », dessert d’écume). Nous étions cernés et une rechute immédiate confirma notre suspicion.

Les kerebiç / karabij sont typiques du Liban, du nord de la Syrie (Alep) et du sud de la Turquie (Mersin et Antep). Les gâteaux sont tout à fait similaires aux maamouls libanais, juste moins sucrés, le sucre étant apporté par le natef. Le secret du natef, cette mousse à la texture unique et au goût inhabituel, c’est la racine de saponaire (Saponaria officinalis), une plante courante partout dans le monde. Comme son nom l’indique, elle contient de la saponine, un savon naturel. En cela, le natef se rattache au nishalla ouzbek qui, lui, est enrichi de blanc d’œufs.

Déguster un petit morceau de karabij avec un nuage de natef est une expérience gustative. Le natef onctueux et très sucré contraste et exalte les parfums de la pistache et le sablé du gâteau. On se dit que ce n’est pas un dessert raisonnable, vraiment pas raisonnable. Et on en reprend un autre.

Pour 12 kerebiç

Gâteaux

  • 180 g de semoule fine
  • 20 g de farine
  • 20 g de sucre brun
  • 75 g de beurre ramolli ou, mieux, de samneh (beurre clarifié, « ghee » dans les épiceries indiennes)
  • 10 g de levure de boulanger (ou 1/2 sachet de levure lyophilisée)
  • 1,5 cuillerée à soupe d’eau de fleurs d’oranger

Farce

  • 90 g de pistaches émondées hachées
  • 25 g de sucre brun
  • 1 cuillerée à dessert d’eau de fleurs d’oranger
  • 1 cuillerée à dessert d’eau de rose

Mousse

  • 30 g de racine de saponaire séchée (sur commande en pharmacie ou chez un herboriste)
  • 350 ml d’eau
  • 180 g de sucre en poudre (ou de glucose si vous en avez)
  • ½ cuillerée à dessert d’eau de fleurs d’oranger
  • ½ cuillerée à dessert d’eau de rose
  • ½ cuillerée à dessert de jus de citron

Mélangez la semoule, la farine, le sucre et la levure. Ajoutez le beurre ramolli et travaillez jusqu’à ce que le beurre soit absorbé. Ajoutez les eaux de fleurs et pétrissez jusqu’à obtenir une pâte élastique. Couvrez et laissez reposer au moins une heure et demi.
Dans un bol mixeur, malaxez les pistaches hachées, le sucre et les eaux de fleurs. Mettez de côté et faites préchauffer le four à 200°C.
Quand la pâte est reposée, faites-en douze boulettes de la taille d’une noix. Placez-en une dans le creux de votre paume, aplatissez-la avec l’index et le majeur de l’autre main, assez fin sans qu’elle se brise. Au creux de la pâte, placez une ligne de farce (une cuillerée à dessert) en laissant les extrémités libres. Repliez et pincez la pâte sur la farce pour faire un cylindre bien fermé (environ 8 cm de long sur 4 cm de large, la pâte doit être plus fine que l’épaisseur de la farce).
Posez le gâteau sur la plaque du four beurrée, en plaçant la « couture » sur la plaque. Passez au suivant. Faites-les cuire entre 12 et 15 minutes, jusqu’à ce qu’ils soient dorés. Laissez-les refroidir sur une grille.
Pour le natef, commencez à préparer un sirop avec les 180 g de sucre dans 50 ml d’eau additionnée du jus de citron. Faites doucement bouillir trois minutes, retirez du feu et ajoutez les eaux de fleurs. Brossez la racine de saponaire sous l’eau froide. Placez-la dans 300 ml d’eau et amenez à ébullition. Sur un feu moyen (et en restant devant, ça mousse…), faites réduire le liquide jusqu’au quart de son volume initial. Il est alors de couleur brune.
Filtrez la décoction de saponaire dans un saladier et fouettez-la comme vous le feriez de blancs d’œuf. Lorsqu’elle est montée, ajoutez lentement le sirop de sucre tout en continuant à fouetter. Arrêtez d’ajouter le sirop lorsque vous avez obtenu une mousse ferme et souple. Elle peut rester quelques heures à température ambiante sans retomber.
Servez les karabij avec le natef. Vous pouvez saupoudrer le natef d’un peu de cannelle.

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Rubrique : Inde, Paris

En Inde du Sud et au Sri Lanka, le petit déjeuner est souvent l’occasion de déguster une gigantesque crêpe croustillante, la dosa, déclinée à l’infini. À Paris aussi, la dosa règne, même si c’est le plus souvent au déjeuner ou au dîner. Gloire à la croustillante dosa et sa cour de délicieux chutneys !

Dans les cultures culinaires du monde, le petit déjeuner est souvent le repas qui résiste le plus vaillamment aux coups portés par la mondialisation des habitudes alimentaires. Pour les Doudes, le petit déjeuner est un repas sacré, au logis comme en voyage. Lors de leurs pérégrinations, ils aiment découvrir ce que les autochtones mangent au saut du lit : kahvaltı kurde, tostada à la tomate espagnole, pão de ló portugais, etc.

En Inde du Sud, au Sri Lanka, en Birmanie, en Malaisie ou à Singapour, le petit déjeuner est l’occasion de déguster une dosa, une spécialité plusieurs fois millénaire. Avec ses soixante centimètres de diamètre, la dosa est une géante au pays des crêpes et autres pancakes. La dosa se sert soit roulée (ah… voir arriver ce monumental cigare qui déborde largement du plat !), soit pliée en quatre.

La préparation de sa pâte fermentée n’est pas une mince affaire puisqu’elle exige du riz nature, du riz étuvé et du riz écrasé, des lentilles noires (urad dal), des graines de fenugrec, des pois cassés jaunes, du bicarbonate de soude, etc. Les personnes qui souffrent d’allergie au gluten (« maladie cœliaque ») peuvent déguster des dosas sans souci. Les dosas peuvent être épaisses (comme au Kerala) ou très fines (« paper dosa »).

Comme nos crêpes bretonnes, la dosa peut s’accompagner de mille manières : avec un curry de pommes de terre, des oignons ou des légumes sautés, du beurre, du fromage, etc. Les dosa de Mysore (au Karnataka), fourrées d’un mélange de pommes de terre, d’oignons et de noix de coco fraîche, sont célèbres dans tout le subcontinent indien (merci Acha !). La dosa est servi avec une sélection de chutneys qui varient selon les régions : sambar (une sorte de soupe de lentilles épicée), chutney coco-coriandre, yaourt, etc.

Une dosa ne suffit pas à rassasier un estomac affamé, mais rien n’interdit de la commander en entrée, à manger seul ou à plusieurs. Les Parisiens ont la chance d’avoir l’embarras du choix lorsqu’ils veulent déguster une dosa. Autour des stations Gare du Nord et La Chapelle, de très nombreux restaurants tamouls proposent des dosa toute la journée. Les Doudes vont manger les leurs chez Saravan Bhavan, chez Krishna Bhavan ou chez Dishny, trois adresses sûres pour s’endosifier jusqu’à la glotte…

Krishna Bhavan
24 rue Cail – 75010 Paris
+33 1 42 05 78 43

Dishny
25 rue Cail – 75010 Paris
+33 1 42 05 44 04
dishny.fr

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Rubrique : Paris

Connu de nombreux Festinautes, voici un classique des restaurants vietnamiens de Paris. Une valeur sûre à un prix défiant toute concurrence et réservée à ceux qui dînent tôt ou disposent d’une infinie patience. Petit local et grande popularité : manger au Rouleau de Printemps se mérite !

Dans une rue perpendiculaire à la rue de Belleville, un attroupement de personnes se crée quasiment tous les jours, midi et soir, devant un minuscule restaurant vietnamien, superoriginalement nommé « Le Rouleau de Printemps ». Depuis combien de temps cette microscopique cantine draine-t-elle les gourmets du quartier et d’ailleurs ? Et que viennent-ils y trouver de tellement différent ?

Le tour de force du Rouleau de Printemps est justement d’offrir la même carte que la plupart des restaurants vietnamiens de Paris, mais de l’offrir plus fraîche, plus goûteuse et… moins chère ! Cette heureuse combinaison justifie que des grappes de gourmands fassent le pied de grue pendant une bonne heure, dans un grand concert de bruits d’estomac et en fixant les clients attablés avec l’air de chiots affamés…

Une fois installé dans ce kitschissime boui-boui, que prendre ? Le Rouleau est réputé pour ses bo bun (salade, vermicelles, bœuf sauté, parfois nem… le bo bun est, avec le phở, le plat emblématique du Viet-Nam), sa soupe saté au bœuf, ses crevettes farcies, son poisson thaï au lait de coco, ses galettes aux ciboulettes chinoises (au pluriel… combien de ciboulettes en Chine ?) et ses raviolis vietnamiens (les raviolis translucides dont on voit les organes à travers la peau…).

La carte propose également des mets qui témoignent des influences qui règnent sur la cuisine vietnamienne : samoussas et… sushis ! De nombreux plats sont destinés aux végétariens : boulettes de légumes, nems, nouilles sautées au gingembre, etc. Pour accompagner votre repas, les Doudes vous recommandent le lait de soja noir, chaud ou froid selon votre goût.

Et pendant que vous dégustez votre repas, n’oubliez pas de jeter des regards indifférents à la foule hypoglycémique qui piétine dehors. Probablement le meilleur exhausteur de goût…

Compter 10 € par personne.
Ouvert tous les jours sauf le mercredi, 11h30 – 15h et 19h – 23h.
Pas de réservation.

43 rue de Tourtille – 75020 Paris
+33 1 46 36 98 95

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Rubrique : Fruits & dérivés

Ahhh… vous vous demandez ce que les Doudes sont encore allés chercher, hein ? « Yayla muzu », en turc, cela signifie « banane des plateaux » et cette banane-là ne se trouve que pendant quelques semaines, vendue en bottes à la sauvette dans les rues de Turquie. Drôle de banane en fait, verte et couverte d’aspérités…

Imaginez les Doudes dans les rues d’Istanbul, face à un petit chariot plein de bottes de… de … d’asperges ? Non, ce ne sont pas des asperges. Mais alors ? Le vendeur ne nous aide guère puisqu’il nous présente ces drôles de tiges vertes comme des « yayla muzu », des bananes des plateaux. Pourtant, « ça » ne ressemble en rien à une banane, « ça » est couvert de sortes de verrues et « ça » porte des grappes de boutons de fleur.

Sitôt ramené à la maison, le mystérieux « fruit » est disséqué, goûté et la vérité se fait jour : ça sent diablement la rhubarbe ! Une petite recherche plus tard, il s’avère que la banane des plateaux est en fait une espèce sauvage de rhubarbe, Rheum ribes, qui pousse sur les plateaux d’Anatolie orientale, du Liban et d’Iran. Elle est également appelée « uçkun » ou, en français, « rhubarbe ribes ». Sa racine est utilisée en herboristerie locale pour traiter le diabète, les hémorroïdes, la diarrhée, etc.

La rhubarbe sauvage turque est typique d’une région qui s’étend d’Erzurum à Şırnak, Siirt en étant un peu la capitale, et reste quasiment inconnue des autres régions de Turquie. Pendant deux mois, de mi-avril à mi-juin, la rhubarbe sauvage est cueillie sur les plateaux et vendue essentiellement dans les villes de l’Est anatolien. Mais ici, pas de compote ou de tarte : le cœur des tiges se consomme cru, après avoir pelé la bête en long comme… une banane !

Les Doudes, amateurs de rhubarbe des jardins introuvable en Turquie, ont aussitôt décidé de cuisiner la banane des plateaux et là, surprise, sa richesse en fibres la rend très difficile à cuisiner. Sa compote doit être passée comme une soupe de légumes avant d’être consommable. Qu’à cela ne tienne, passée elle fut et mélangée à de la purée de « vraies » bananes sautées au beurre. Parce que si la rhubarbe et la banane sont faites l’une pour l’autre (essayez ce mélange en compote ou en confiture), il semblait évident de faire se rencontrer la banane des tropiques et celle des plateaux.

Et foi de Doudes, ce fut si bon que nous en rachetâmes quelques jours plus tard !

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Rubrique : Paris

Lorsqu’une chaîne de restaurants végétariens respectée dans toute l’Inde du Sud possède une succursale à Paris, les papilles doudiennes frétillent d’impatience. Saravana Bhavan est un fragment de Madras qui aurait atterri intact au pied de la Gare du Nord. Brut de décoffrage, sans chercher à s’adapter aux palais des Parisiens.

Au départ, il y a un restaurant végétarien ouvert en 1981 à Madras, dans le Tamil Nadu, par un Mr Rajagopal, dit Annachi. L’objectif : offrir une nourriture végétarienne variée, fraîche et bon marché. Trente ans plus tard, il existe plus de 70 restaurants Saravana Bhavan à travers le monde, dont la moitié hors d’Inde, essentiellement dans les lieux où des Tamouls se sont installés, fuyant la pauvreté ou la guerre civile au Sri Lanka.

La France fait partie, avec l’Allemagne et le Royaume-Uni, des pays européens où la famille Rajagopal a ouvert l’un des ses restaurants. Une belle chance de découvrir une cuisine de l’Inde du Sud authentique et bon marché. Il suffit de voir la foule qui s’y presse, Indiens, Sri Lankais et routards mélangés, pour savoir qu’on a trouvé le bon coin. Au prix, parfois, d’un service débordé qui rend les commandes un peu aléatoires…

Chez Saravana Bhavan, la carte fourmille de plus d’une centaine de plats végétariens, pour la plupart des classiques de la cuisine sud-indienne : dosa de toutes sortes (de gigantesques crêpes à tremper dans des sauces variées), thali (les plateaux-repas indiens), idly (des sortes de pancakes servis dans une soupe de lentilles épicée, le sambar), avial (un plat de légumes à la noix de coco), curry et ragouts de légumes, pulao (riz garni), etc. Quelques plats d’inspiration chinoise viennent étrangement enrichir la carte.

Les Doudes ont un faible pour les kaima idly, des micro-pancakes de farine de riz et de lentille, frits et accompagnés d’une sauce rouge ultraparfumée, ainsi que pour le south indian thali, si parfaitement similaire à ceux qu’ils ont dégusté là-bas. Sur leur liste également, le navarathan pulao, un riz sauté aux fruits frais, et l’avial, si savoureux.

En dessert, les rava kesari, de petits gâteaux de semoule aux noix et aux raisins, et arrosés de ghee (le beurre clarifié). Pour les plus courageux, le très riche falooda, un mélange de graines de sago (pensez « tapioca »), de vermicelles, de fruits frais, de gelée de fruits et de… glace à la vanille ! Les jours de fête hindous, divers desserts traditionnels sont également proposés.

En boisson, essayez le badham kheer, une sorte de lait d’amandes aux épices et terminez votre repas avec un vrai masala chai, un thé au lait épicé, riche et puissant comme dans les échoppes indiennes.

Environ 15 € par personne, tout compris.
Ouvert tous les jours de 10h30 à 23h.

170 rue du Faubourg Saint-Denis – 75010 Paris – France
Tél : +33 1 40 05 01 01

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Rubrique : Thés

Aujourd’hui, les Doudes vous emmènent visiter la plus haute plantation de thé du monde. Le jardin de Kolukkumalai, à la frontière du Kerala et du Tamil Nadu, est le vestige vivant d’une manière de fabriquer le thé qui n’existe plus guère en Inde. Une opportunité unique de déguster un thé à l’ancienne devant l’un des plus beaux paysages du sous-continent.

 

Le Kerala et le Tamil Nadu sont séparés par une chaîne de montagnes qui court selon un axe nord-sud, les Nilgiri ou Western Ghats, célèbres pour leurs plantations de thé et de cardamome. À deux doigts de leur point culminant se trouve la plantation qui s’enorgueillit d’être la plus haute du monde. Les jardins de Kolukkumalai s’étendent entre 2000 et 2400 m d’altitude, à cheval sur la frontière entre les deux états, à une heure et demie de la ville de Munnar.

Monter à Kolukkumalai est une expédition : pendant près d’une heure, la jeep grimpe dans des sentiers escarpés entourés de champs de théiers. Secoué comme des noix dans un sac, on sent l’air devenir plus limpide, moins dense. Le chemin se termine à pied au milieu des théiers pour déboucher sur un spectaculaire paysage d’à-pics cascadant jusqu’aux plaines du Tamil Nadu. À perte de vue, des monts, des vallées, des falaises à couper le souffle, des écharpes de brume qui flottent sur les sommets.

Kolukkumalai a été fondé dans les années 1930 par des planteurs écossais. Aujourd’hui encore, les théiers qui couvrent ses 50 hectares sont ceux plantés par les fondateurs. Plus de 80 ans d’âge et encore une vingtaine d’années de production devant eux, sans jamais avoir vu l’ombre d’un engrais, d’un pesticide ou d’un arrosage artificiel. Les feuilles nouvelles (trois feuilles et le bourgeon) sont récoltées par des ouvrières originaires du Népal installées à demeure dans ce lieu isolé du monde.

La particularité de Kolukkumalai est de n’avoir jamais cessé de produire du thé à l’ancienne selon la méthode dite « orthodoxe ». Cette méthode est celle utilisée pour les grands thés de Darjeeling, d’Assam, de Chine… mais plus pour la vaste majorité des thés indiens. Elle repose sur un travail long et soigneux de la feuille, à l’opposé de la méthode industrielle dite « CTC » (crush-tear-curl) qui hache la feuille et le bourgeon pour donner un thé quasiment réduit à l’état de poudre (et qui finira en sachet).

Dans l’ancienne fabrique de Kolukkumalai, les feuilles sont d’abord mises à flétrir dans un courant d’air alternativement chaud et froid, avant d’être roulées dans une machine qui reproduit le roulage à la main (et qui date, elle aussi, des années 1930). Ensuite, elles sont grossièrement tamisées, oxydées sous une fine brume, puis passées au séchoir. Un dispositif ingénieux enlève les fibres (les tiges, les pétioles) avant qu’un tamisage trie les fragments selon leur taille : leaf, broken, fanning et dust. Chaque taille possède ses propres saveurs.

Le thé de Kolukkumalai est si fin et si parfumé qu’il a obtenu en 2005 le Golden Leaf India Award, la plus haute récompense pour le thé du sud de l’Inde. À côté de la fabrique, une échoppe propose la production locale à un prix dérisoire et un petit comptoir permet de déguster une tasse de thé d’une fraîcheur unique, tout en plongeant son regard dans les teintes de vert et de mauve du panorama.

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