Vous ne pouviez pas y échapper… Une ode au café turc, mi-liquide mi-pâte, ce breuvage emblématique de l’Orient. Pourtant, un symbole en perte de vitesse dans un monde de buveurs de thé et d’adeptes de cafés à l’américaine. Pas besoin de lire le marc pour savoir que cette ode aura des accents de nécrologie.
« Une tasse de café vaut quarante ans d’amitié ! » disent les Turcs. Le petit noir est, en Turquie comme ailleurs, un élément du lien social. Dans ce pays, où l’on boit du thé en permanence, le café traditionnel a des allures d’événement un chouia officiel. Par exemple, c’est la boisson que l’on sert lorsqu’on reçoit les futurs beaux-parents de ses enfants ou lors d’une noce ou d’un enterrement.
Le café turc (ou ottoman/arménien/grec/serbe, vous n’allez pas commencer…) se prépare à partir de café moulu aussi fin que la farine. Cette poudre est bouillie trois fois dans une sorte de petite casserole, le cevze, dont la base est plus large que le col. Le sucre est ajouté dès le départ, à une dose variable selon le souhait du client : çok (très), orta (moyennement), az (peu) et sade (sans). Pour un mariage, il est d’usage de le boire çok pour célébrer la douceur de la vie. Pour un enterrement, sade pour symboliser son amertume.
Le café turc se boit chaud, sitôt servi, en faisant de petits bruits de siphon. On boit à peu près la moitié du volume de la tasse. Le marc est laissé au fond. Les aventureux renversent la tasse sur la soucoupe après avoir fait tourner le marc. Dix minutes plus tard, la tasse est retournée et le marc peut être lu. Un poisson pour la chance, une rivière pour l’argent, un serpent pour un ennemi…
Si vous lisez l’avenir du café turc dans votre tasse, vous y verrez que les Turcs ont adopté en masse le café instantané et que les chaînes américaines à tronche de sirène et autres pullulent. La plupart des restaurants ne proposent même plus de café traditionnel, mais peuvent en général le commander au kahve du coin si vous insistez. En Turquie, le café turc commence à voir son futur en noir…
À Istanbul, il devient de plus en plus difficile de trouver un endroit qui se spécialise dans cette liqueur. Les Doudes, sur le conseil d’amis, vont dans un bouiboui dans une ruelle qui donne dans la grande avenue d’Istiklal. Chez Mandabatmaz (« Même un buffle n’y sombrerait pas »…), Cemil Pilik passe sa vie à faire du café turc… et ça se sent. À partir d’un mélange de cafés fait à façon, Monsieur Pilik prépare un breuvage riche comme un bon chocolat chaud, épais mais pas « farineux », dont le goût de marc (la particularité du café turc) est fort mais sans amertume. On s’assoit sur de petits tabourets dans la ruelle et le temps s’arrête l’espace de quelques gorgées…
Olivia Geçidi 1/A – Beyoğlu – Istanbul
(la ruelle en face de l’église Saint-Antoine)
Comme par hasard je suis tombé sur le http://www.lefestindedoudette.fr que j’admire beaucoup. Merci pour les informations très utiles.