Rubrique : Thés

Aujourd’hui, les Doudes vous emmènent visiter la plus haute plantation de thé du monde. Le jardin de Kolukkumalai, à la frontière du Kerala et du Tamil Nadu, est le vestige vivant d’une manière de fabriquer le thé qui n’existe plus guère en Inde. Une opportunité unique de déguster un thé à l’ancienne devant l’un des plus beaux paysages du sous-continent.

 

Le Kerala et le Tamil Nadu sont séparés par une chaîne de montagnes qui court selon un axe nord-sud, les Nilgiri ou Western Ghats, célèbres pour leurs plantations de thé et de cardamome. À deux doigts de leur point culminant se trouve la plantation qui s’enorgueillit d’être la plus haute du monde. Les jardins de Kolukkumalai s’étendent entre 2000 et 2400 m d’altitude, à cheval sur la frontière entre les deux états, à une heure et demie de la ville de Munnar.

Monter à Kolukkumalai est une expédition : pendant près d’une heure, la jeep grimpe dans des sentiers escarpés entourés de champs de théiers. Secoué comme des noix dans un sac, on sent l’air devenir plus limpide, moins dense. Le chemin se termine à pied au milieu des théiers pour déboucher sur un spectaculaire paysage d’à-pics cascadant jusqu’aux plaines du Tamil Nadu. À perte de vue, des monts, des vallées, des falaises à couper le souffle, des écharpes de brume qui flottent sur les sommets.

Kolukkumalai a été fondé dans les années 1930 par des planteurs écossais. Aujourd’hui encore, les théiers qui couvrent ses 50 hectares sont ceux plantés par les fondateurs. Plus de 80 ans d’âge et encore une vingtaine d’années de production devant eux, sans jamais avoir vu l’ombre d’un engrais, d’un pesticide ou d’un arrosage artificiel. Les feuilles nouvelles (trois feuilles et le bourgeon) sont récoltées par des ouvrières originaires du Népal installées à demeure dans ce lieu isolé du monde.

La particularité de Kolukkumalai est de n’avoir jamais cessé de produire du thé à l’ancienne selon la méthode dite « orthodoxe ». Cette méthode est celle utilisée pour les grands thés de Darjeeling, d’Assam, de Chine… mais plus pour la vaste majorité des thés indiens. Elle repose sur un travail long et soigneux de la feuille, à l’opposé de la méthode industrielle dite « CTC » (crush-tear-curl) qui hache la feuille et le bourgeon pour donner un thé quasiment réduit à l’état de poudre (et qui finira en sachet).

Dans l’ancienne fabrique de Kolukkumalai, les feuilles sont d’abord mises à flétrir dans un courant d’air alternativement chaud et froid, avant d’être roulées dans une machine qui reproduit le roulage à la main (et qui date, elle aussi, des années 1930). Ensuite, elles sont grossièrement tamisées, oxydées sous une fine brume, puis passées au séchoir. Un dispositif ingénieux enlève les fibres (les tiges, les pétioles) avant qu’un tamisage trie les fragments selon leur taille : leaf, broken, fanning et dust. Chaque taille possède ses propres saveurs.

Le thé de Kolukkumalai est si fin et si parfumé qu’il a obtenu en 2005 le Golden Leaf India Award, la plus haute récompense pour le thé du sud de l’Inde. À côté de la fabrique, une échoppe propose la production locale à un prix dérisoire et un petit comptoir permet de déguster une tasse de thé d’une fraîcheur unique, tout en plongeant son regard dans les teintes de vert et de mauve du panorama.

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Rubrique : Paris, Thés

À Paris, rares sont les lieux où faire l’expérience du gong fu cha, la cérémonie chinoise du thé. Au cœur du quartier Sainte-Anne, les Doudes vous conseillent la maison Zen Zoo Thesaurus : délicieux thés taiwanais, prix doux et accueil plus que chaleureux. Un havre de paix où découvrir l’intérêt de cette technique de dégustation particulière.

Depuis plus d’un siècle, la rue Chabanais est synonyme de plaisirs. Si la plus célèbre des maisons closes de luxe parisiennes, le Chabanais, a fermé depuis longtemps, le plaisir y subsiste sous la forme de deux restaurants : le simple mais efficace Hokkaido et le très branché Zen Zoo, cuisine taiwanaise simple et saine accompagnée de thés aux boules de tapioca, une irrésistible invention récente qu’il faut avoir goûtée au moins une fois.

À deux pas de son restaurant, la maison Zen Zoo a ouvert un salon de thé, Zen Zoo Thesaurus, antithèse calme et apaisante du restaurant. Chez Zen Zoo Thesaurus, des objets de décoration venus de Taiwan, de la vaisselle pour le thé à faire fondre votre Visa et une petite sélection de thés taiwanais de bonne tenue, voire excellents.

Pour les découvrir, il suffit de se poser à l’une des quelques tables situées au fond de la boutique. La carte propose l’ensemble des thés vendus sur place. Mis à part deux thés verts, Zen Zoo Thesaurus propose des thés wulong (oolong) taiwanais classiques adaptés au gong fu cha. Du plus fleuri au plus fruité : Bao Zhong (Pouchong), Dung Ding, Bai Hao (Beauté orientale) et Tie Kwan Yin.

Le gong fu cha est une technique destinée à magnifier les parfums d’un thé : minuscule théière en terre ferreuse propre à monter rapidement en température, dose élevée de thé, eau bouillante et temps d’infusion réduit à quelques dizaines de secondes (permettant ainsi de faire se succéder de nombreuses infusions). La liqueur obtenue est d’abord versée dans une tasse haute qui est ensuite vidée dans une tasse évasée. La première permet de sentir les parfums du thé (une invention taiwanaise assez récente), la seconde de goûter la liqueur à petites gorgées, comme un grand cru.

Infusion après infusion, les parfums et les saveurs du thé changent. Par exemple, un Dung Ding va d’abord révéler des notes de fleurs blanches (lilas, narcisse), puis libérer des parfums de fruits séchés ou d’écorces d’agrumes confites, alors qu’un Bai Hao vous étonnera par ses parfums de raisin muscat. En saison, Zen Zoo Thesaurus propose quelques Dung Ding de haute montagne aux arômes exceptionnels. Une explosion de fleurs dans la bouche.

Nul besoin de s’équiper en accessoires de gong fu cha pour apprécier chez soi les wulongs de Zen Zoo Thesaurus : ils sont également délicieux préparés en théière classique. Zen Zoo Thesaurus propose également des thés aux fleurs (osmanthe, lavande, etc.) et un Dung Ding aux fleurs de yuzu qui, cette année, a assuré les petits-déjeuners estivaux des Doudes à la plus grande joie des amis de passage.

Ceux qui ont dû subir les foudres des irrascibles propriétaires de la plus chère des maisons de gong fu cha parisiennes (suivez mon regard vers la place Monge…), ceux-là apprécieront également l’incroyable gentillesse de l’équipe de Zen Zoo Thesaurus et leur enthousiasme à vous faire partager les plaisirs sans fin du gong fu cha. Parce qu’un thé dégusté dans une atmosphère bienveillante est toujours meilleur…

Ouvert du lundi au samedi, 12h – 19h30

2 rue Chabanais – 75002 Paris
+33 1 42 96 17 32
zen-zoo.com

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Rubrique : Thés

Le sencha est le thé vert japonais le plus populaire, celui qui est bu dans les circonstances courantes de la vie quotidienne. Il fait également l’objet d’une forme particulière de cérémonie du thé différente de celle, plus connue, qui utilise le matcha (thé vert en poudre).

sencha #1 sencha #2

La fabrication du sencha est typique des thés japonais. Les pointes de thé sont d’abord passées à la vapeur pendant quelques dizaines de secondes. Cette opération détruit les enzymes responsables du flétrissage (la « fermentation », responsable de l’oxydation des feuilles). Ensuite, les feuilles sont roulées et séchées. Une fois sèches, elles sont rapidement passées à la chaleur pour développer certains arômes et assurer une bonne conservation. Cette dernière phase est à l’origine du nom du thé : sencha signifie « thé rôti ».

Le bref passage à la vapeur permet au thé de garder une belle couleur verte (que l’on retrouve dans l’infusion) et de développer des parfums d’herbe, d’épinard, voire d’algues. Un bon sencha a un goût carrément iodé et une amertume rafraîchissante. Il peut être bu chaud ou froid, seul ou avec un repas (une boisson idéale avec les sushis ou les fruits de mer). Ajouté à des restes de riz, il fait un délicieux chazuke.

Comme tous les thés verts, le sencha supporte mal l’eau bouillante. Selon sa qualité, mieux vaut le préparer avec de l’eau à 75, 80 ou 85°C (meilleure la qualité, moins chaude l’eau). Pour éviter une infusion trop amère, il faut drainer la totalité de l’eau dans les tasses après une trentaine de secondes. Les feuilles peuvent être réutilisées trois ou quatre fois (en augmentant la température de l’eau et la durée de l’infusion à chaque passage).

Depuis trois cents ans, il existe au Japon une cérémonie du sencha beaucoup moins connue que le chanoyu (la cérémonie du matcha). Plus décontractée, plus centrée sur les échanges plein d’esprit entre les participants, la cérémonie du sencha cherche à recréer les cérémonies de thé de l’époque Heian (VIIIe – XIIe siècles) où les lettrés se retrouvaient pour des discussions raffinées. La cérémonie du sencha mériterait d’être mieux connue en Occident.

NB : Pour les anglophones, il existe un livre intéressant et complet sur la cérémonie du sencha.

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