Mars arrive et, avec lui, les morilles vont pointer le bout de leur nez brun. En cuisine, les si puissamment parfumées morilles sont comme le parmesan ou la sauce soja, des magiciennes qui amplifient le goût des aliments qu’elles accompagnent. Récemment, des scientifiques ont soulevé un bout du voile qui cache le savoureux mystère des morilles.
Avec leur chapeau alvéolé et leur consistance caoutchouteuse, les morilles sont des champignons faciles à reconnaître. Elles sortent en fin d’hiver ou au tout début du printemps dans les sous-bois humides, en particulier sur les talus et dans les fossés, au pied des frênes et des buis. Les morilles ont tendance à pousser en petits groupes (les « stations ») et à se dissimuler sous la mousse ou les morceaux de bois. Les plus belles se trouvent, dit-on, trois jours après la pleine lune de mars.
Les morilles ne doivent jamais être consommées crues : elles contiennent une substance toxique pour les globules rouges qui est détruite par la cuisson ou le séchage. Elles sont traditionnellement consommées en omelette, avec une volaille ou dans une blanquette de veau. Pour faire une sauce aux morilles, la crème fraîche et le porto sont de rigueur car ces deux ingrédients exaltent les parfums de la belle.
Depuis longtemps, les cuisiniers et les gastronomes savent que les morilles ne sont pas seulement délicieuses par elles-mêmes mais qu’elles ont également la particularité d’amplifier certaines saveurs des aliments qui les accompagnent. Cette propriété a valu aux morilles d’être incluses dans les aliments riches en umami, cette saveur particulière liée à certains acides aminés que l’on retrouve, par exemple, dans le shoyu, le parmesan, le kichk, le nuoc-mâm ou la pâte d’anchois.
Récemment, des chimistes allemands ont procédé à une analyse précise des substances présentes dans les morilles ainsi que des tests de saveur chez des gourmets. Surprise ! Si les morilles contiennent effectivement de l’acide glutamique (l’un des composants de la saveur umami), leur capacité à amplifier d’autres saveurs viendrait plutôt d’une substance inconnue jusque-là, joliment baptisée « morélide ». La concentration de morélide dans les morilles est trop faible pour que nous en percevions le goût mais suffisante pour modifier notre perception des autres saveurs. L’acide glutamique, lui, est plutôt responsable de la sensation de bouche sèche et de saveur intense et complète qui caractérise le jus de morilles.
Les morilles se trouvent assez facilement dans les épiceries fines, séchées ou en conserve. Si vous les achetez séchées, réhydratez-les pendant deux ou trois heures dans l’eau ou le lait tiède avant de les cuisiner et n’oubliez pas d’utiliser le liquide de trempage. Les riches parfums des morilles sont solubles dans l’eau et il serait dommage d’en perdre…