Rubrique : Bruxelles

Parmi les friandises préparées et vendues dans les rues, la gaufre tient le rôle d’ancêtre, sous des formes variées au cours des âges. Pour déguster une gaufre moelleuse et croustillante, mieux vaut mettre cap au Ch’Nord ou, comme les Doudes, filer en Belgique à la recherche de la gaufre primordiale, la mère de toutes les gaufres…

Si, par gaufre, on entend une pâtisserie cuite entre deux plaques embossées, alors l’origine de la gaufre remonte au moins jusqu’au Moyen-Âge. Elle est fille des « oublies », ces gaufrettes plates de qualité inégale qui, en France, ont été colportées jusqu’au XVIIIe siècle et qui, pendant des siècles, ont constitué la pâtisserie la plus populaire dans les deux sens du terme. Le principe de la cuisson entre deux plaques de fer est très ancien et convenait parfaitement à un monde où les fours domestiques étaient rares.

Au XVe et au XVIe siècle, les vendeurs d’oublies normales et d’oublies de supplication (les gaufres) s’installaient devant les églises les jours de fête. Figurez-vous que jusqu’au XVIIIe siècle, dans les églises parisiennes, alors que s’élevait le Gloria in excelsis de la messe de Pentecôte, on lâchait du haut des voûtes des oiseaux aux pattes lestées d’oublies ! D’où, probablement, l’expression « se gaufrer »…

Aujourd’hui, lorsqu’on dit « gaufre », on pense plutôt à la bonne gaufre toute chaude recouverte de sucre glace (ou de préparations plus caloriques…) mangée devant un camion ou un stand forain. Celle qui croustille pour révéler un cœur élastique et fondant. C’est un autre avantage de la structure alvéolée des gaufriers : plus de surface de cuisson pour plus de croustillant !

En Belgique, alma mater de la gaufre de qualité, il en existe plusieurs types selon la ville d’origine : la gaufre de Liège, épaisse, garnie de sucre perlé, ornée de 24 creux et sans coins ; la gaufre de Bruxelles, plus fine, plus légère (les œufs en neige dans la recette), à 20 creux et aux coins bien marqués ; la gaufre de Namur à la levure boulangère ; la gaufre de Verviers au miel ; etc.

Pour les Doudes, la bonne gaufre fut celle achetée au cul du camion Giovanni Lanni dans la rue Haute, en rentrant du marché aux puces des Marolles. Le sieur Lanni qui, semble-t-il, est le propriétaire d’un glacier éponyme rue de Tamines dans Saint-Gilles. Comme nos photos le prouvent, les Doudes gaufrologistes ont identifié là un magnifique spécimen hybride de gaufre bruxello-liégoise : 20 trous, pas de coins ! Des tonnes de sucre caramélisé dans les alvéoles et une légèreté toute bruxelloise. Que du bonheur.

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Rubrique : Épices, condiments & herbes

Dans la série des aliments sortis d’on-se-sait-où, il est normal que le Festin consacre un article à Marmite, cette pâte britannique plus que centenaire qui fait crier de dégoût la plupart des Continentaux. Un classique qui, depuis quelques années, cherche à se donner une image quasi-branchouille.

Là où il y a des brasseries, il y a des résidus de brassage. Ces amas noirâtres formés par les levures destinées à fermenter la bière sont utilisés pour préparer Marmite (prononcez « Marmaïte »). Les levures sont traitées au sel et filtrées pour donner un liquide brun qui est ensuite concentré et enrichi en vitamines (même si la matière première en contient déjà beaucoup). Selon les pays, la pâte obtenue porte des noms de marque différents : Marmite au Royaume-Uni, Vegemite et Promite en Australie (mais ils ont aussi leur recette particulière de Marmite, fabriquée en Nouvelle-Zélande, moins intense et parfumée au caramel), Cenovis en Suisse, etc.

Marmite est un peu l’ancêtre de toutes ces pâtes puisqu’il est né en 1902, soit avant la découverte des vitamines qui allaient faire son succès. En effet, Marmite est très riche en vitamines B, particulièrement importantes pour le système nerveux et pour prévenir l’anémie. Pendant la Première Guerre Mondiale et dans les années qui suivirent, la réputation de Marmite s’est construite sur cette richesse en vitamines à une époque où l’alimentation n’était pas vraiment optimale.

Quelque soit la marque, les extraits de levure de bière sont salés et fort en goût, un goût malté très intense qu’il faut apprendre à aimer. Pour s’y faire et profiter de leurs bienfaits nutritionnels, le meilleur moyen est de préparer un mélange à part égale de beurre et de pâte de levure, et de tartiner ce mélange sur une belle tranche de pain. Ah… là déjà, ça va mieux ! Les plus courageux peuvent se titiller le réflexe nauséeux avec certaines préparations « à l’anglaise » : dans du lait chaud avec du miel, tartiné avec du beurre de cacahuètes ou des œufs brouillés, tartiné avec des bananes écrasées, ou, comble de l’albionisme perfide, tartiné avec du beurre et de la marmelade d’oranges. Pour les extrémistes, signalons un livre de recettes autour de Marmite.

Récemment, Unilever, le géant de l’agroalimentaire qui possède la marque, a tenté de rajeunir l’image de Marmite à grands coups d’éditions spéciales : enrichi au champagne (pour la Saint-Valentin…) ou aux levures qui servent à brasser la Guiness, par exemple. De plus, toutes sortes de snacks marmitisés ont récemment vus le jour : biscuits d’apéritif, noix de cajou, crackers de riz et même… poudre pour chocolat chaud parfumée au Marmite !

En France, Marmite est assez facile à trouver dans les grandes surfaces (rayon Produits d’entretien exotiques) ou dans les épiceries britanniques. Enjoy!

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Rubrique : Desserts & sucreries

C’est sûr, c’est un peu galvaudé, mais une virée en Belgique, ça reste toujours une virée au pays du spéculoos. Même si des biscuits similaires existent aux Pays-Bas ou en Allemagne, les terres outre-quiévraines sont LA patrie du biscuit à la cassonade caramélisée et aux épices. Biscuit ? Depuis quelques années, le concept spéculoossien s’étend à d’autres types d’aliments.

En des temps reculés, à l’époque où l’une des unités doudiennes fréquentait le Caprice des Dieux (entendez le bâtiment du Parlement européen bruxellois qui possède la forme du fromage du même nom), son arrivée matutinale en Gare du Midi comprenait une encaféination expresse au comptoir, toujours accompagnée d’un petit spéculoos. Depuis, le goût du dit-biscuit lui évoque inmanquablement les brumes de la capitale belge au petit matin.

En Europe du Nord, le spéculoos est un biscuit qui est traditionnellement consommé autour de la Saint-Nicolas. À cette époque de l’année, on en trouve de toutes sortes dans les boulangeries belges et néerlandaises (sous le nom de Speculaas, c’est nettement moins appétissant…). Le reste de l’année, les spéculoos sont plutôt des produits industriels (la Belgique en produit la bagatelle de plus de 400.000 tonnes chaque année, dont 70 % partent à l’export), en particulier sous la marque Lotus ou Vermeiren Princeps.

Les spéculoos sont faits à partir de farine, de beurre, d’œufs, de cassonade (qui caramélise à la cuisson, c’est tout le secret du spéculoos) et d’épices (cannelle, muscade, girofle, gingembre). La pâte repose au moins une nuit pour que les parfums se mélangent. Elle est ensuite moulée, traditionnellement en forme de personnages qui racontent la geste de Saint Nicolas.

Depuis quelques années, le spéculoos s’évade de son statut de biscuit à grignoter avec le café pour devenir un ingrédient à part entière. Ainsi fleurissent toutes sortes de recettes parfumées au spéculoos : cheesecakes, glaces, crèmes brûlées, etc. La marque Lotus propose même du thon cuit en croûte de spéculoos et piment, ou un tajine d’agneau aux spéculoos qui semble délicieux. Mais le nouveau concept qui affole les papilles belges depuis 2008, c’est la pâte de spéculoos à tartiner… Il en existe même une version croustillante (avec des miettes de spéculoos) qui fait gravement saliver l’une des unités doudiennes. Surtout lorsque la tartine empile pâte de spéculoos croustillante et confiture acidulée type fruits rouges. Le bon vieux PBJ (peanut butter jelly) sandwich revu à la belge !

Si vous passez par Bruxelles, essayez les spéculoos de chez Dandoy (une maison fondée en 1829 qui fait également de bons pains d’épices et qui fournit la Cour de Belgique). La pâte de spéculoos à tartiner se trouve facilement dans les supermarchés du nord de la France. Vous pouvez également la préparer vous-même.

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Rubrique : Accompagnements

Nixtaquoi ? Nixtaqui ? Quand vous aurez fini de glousser, les Doudes vous raconteront comment, depuis des millénaires, les habitants d’Amérique centrale améliorent les qualités nutritionnelles du maïs. Et comment ce maïs-là sert à faire le plat le plus populaire du Mexique, le pozole.

Le maïs est originaire d’Amérique centrale où, depuis au moins trois millénaires, il n’est consommé qu’après une préparation particulière, la nixtamalisation. Les grains sont bouillis pendant quelques dizaines de minutes dans une solution alcaline (de l’eau de chaux ou de l’eau de cendres riches en potasse), puis laissés à tremper dans leur eau de cuisson pendant plusieurs heures. Abondamment lavés, ils sont ensuite séchés (c’est le nixtamal) ou broyés en farine (la masa).

Cette préparation a pour but de rendre le maïs plus facile à moudre en permettant de séparer le grain de sa coque dure. De plus, elle transforme les protéines des grains pour les rendre plus digestibles et plus équilibrées, elle rend la vitamine B3 (niacine) assimilable par l’intestin et elle augmente la durée de conservation du maïs en détruisant les champignons microscopiques dont les toxines peuvent provoquer des cancers du foie. Enfin, les grains ainsi traités s’enrichissent du calcium ou du potassium contenus dans la solution alcaline.

Lorsque les Espagnols rapportèrent le maïs en Europe, ils firent fi de la nixtamalisation car les moulins européens de l’époque étaient plus performants que ceux des Aztèques. Mais ils ignoraient les bénéfices nutritionnels de cette préparation. Pendant des siècles, les paysans européens ont, de ce fait, mangé un maïs appauvri et dépourvu de vitamine B3 digestible, causant de grandes épidémies de pellagre (la carence en niacine). Encore aujourd’hui, la farine de maïs produite ailleurs qu’en Amérique centrale est artificiellement enrichie en niacine.

En Amérique centrale, les grains de maïs nixtamalisés sont vendus sous le nom de nixtamal, de maïs pozolero ou de maïs cacahuazintle. Séchés, ils doivent être bouillis plusieurs heures jusqu’à ce qu’ils s’ouvrent en corolle et soient al dente (il existe également des conserves prêtes à l’emploi). Le nixtamal sert à la préparation de nombreux plats dont le pozole, un ragoût (ou une soupe) qui leur associe des piments verts ou rouges et de la viande de porc. Ce plat précolombien sacré était autrefois préparé avec la viande débitée des victimes de sacrifices religieux humains…

La farine nixtamalisée est utilisée dans la préparation des tortillas de maïs, des tamales (des pâtés fourrés de viande ou de légumes et cuits dans des spathes de maïs) et de l’atole, une boisson épaisse à base de farine, de lait et de sucre, parfumée au chocolat ou à l’anis.

Aux États-Unis, les grains de maïs nixtamalisés prennent le nom d’hominy ou de posole. Ils sont hachés plus ou moins finement pour cuisiner les grits, un accompagnement typique de la cuisine des États du Sud. Les Amérindiens du sud-ouest des États-Unis préparent, eux aussi, un pozole où les grains cuits sont ensuite préparés en ragoût avec de la viande (de porc ou d’agneau), des oignons, des poivrons verts et rouges et de jeunes raquettes de nopal (le figuier de Barbarie local), le tout assaisonné avec de l’ail et de l’origan.

Si vous voulez cuisiner un bon pozole, on trouve du nixtamal (souvent appelé « masa ») dans les épiceries centraméricaines (par exemple, à Paris : Mexi&Co, 10 rue Dante, 75005).

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