Aujourd’hui, les Doudes vont vous raconter la triste histoire d’un fruit autrefois populaire et qui, depuis, s’est fait détrôner par un fripon piridion nippon. Oyez, oyez les mésaventures d’une nèfle devenue si commune qu’elle n’est désormais que quantité négligeable… Des nèfles, quoi !
Il fut un temps où les jardins d’Europe s’enorgueillissaient d’un arbre fruitier apprécié, le néflier commun ou néflier d’Allemagne (Mespilus germanica, malgré ses origines caucasiennes). À ne pas confondre avec le néflier du Japon, ou bibasse, dont les Doudes vous ont déjà vanté les mérites. Dans certaines régions de l’Hexagone, paraît-il, la nèfle commune était élégamment appelée « cul de chien », voire de « cul de singe », même si des culs de singe, ils ne devraient pas en voir souvent, nos ancêtres…
Ces nèfles communes étaient utilisées essentiellement pour préparer des confitures ou des compotes, parfois des alcools. Ce fruit proche des pommes, des poires et des coings (des fruits qui portent le joli nom botanique de « piridions ») était apprécié pour sa saveur une fois cuit et pour sa capacité à se conserver sur des claies pendant une bonne partie de l’hiver. Aujourd’hui, les nèfles ne sont plus commercialisées que dans certains pays (les nôtres viennent de Turquie), mais il n’est pas rare d’en voir encore dans les jardins… pour autant que l’on sache les reconnaître.
La particularité de la nèfle commune est de ne pas être consommable sans une étape de maturation appelée « blettissement ». Initiée par les premières gelées qui détruisent en partie les cellules du fruit, cette transformation des tanins en sucres ramollit la nèfle et lui fait perdre son astringence extrême. Gardez vos jeux de mots (« Que c’est blette, une nèfle ! ») et goûtez cette acidité fruitée, cette saveur sombre et fraîche comme un jour d’automne. La nèfle ne se laisse pas apprécier facilement, mais si vous la faites cuire, elle saura vous étonner par la complexité de ses arômes.
Pour consommer une nèfle bien blette, il suffit de donner un petit coup de dent dans la peau et d’aspirer la pulpe en se gardant bien d’avaler les graines qui sont riches en acide cyanhydrique, le très redouté cyanure (c’est son petit côté Borgia…). Si vous avez des nèfles communes dans votre jardin, récoltez-les en octobre ou en novembre et gardez-les au frais et au sec. Lorsque vous voudrez les consommer, placez-les un jour ou deux au congélateur, puis laissez-les mûrir jusqu’à ce qu’elle soient bien molles. Vous pourrez alors les passer au moulin à légumes ou à l’étamine pour récupérer la pulpe et la cuisiner. Essayez-la sous forme de compote avec du poulet ou du porc…