Lorsque les Doudes, en virée piémontaise, apprennent que Turin recèle le plus grand marché alimentaire d’Europe, elles s’y rendent l’eau à la bouche. Mais le marché de Porta Palazzo n’est pas un marché de carte postale. Depuis presque deux siècles, il est le point de ralliement des populations venues à Turin pour échapper à la misère de leurs terres d’origine.
Porta Palazzo, c’est une place de 51.000 m2 (la Piazza della Repubblica) qui se situe là où se trouvait, jusqu’au XVIIIe siècle, la porte nord de la ville de Turin. Un vaste espace ouvert où la circulation est quasi totalement neutralisée pour laisser place au marché. En 1836, deux halles couvertes sont construites de part et d’autre, l’une pour l’alimentation, l’autre pour les vêtements. En 1916, une halle de métal et de verre, le Marché de l’Horloge, est ajoutée. Récemment, une halle très XXIe siècle, le PalaFuksas (du nom de son architecte), a poussé en symétrie au Marché de l’Horloge. Devant, derrière et entre ces halles, un millier de stands qui proposent des produits alimentaires (côté Marché de l’Horloge) et des vêtements (côté PalaFuksas). Le samedi, on estime qu’environ 100.000 personnes passent par Porta Palazzo…
Dans les années 1950, 1960 et 1970, les stands du marché de Porta Palazzo étaient tenus essentiellement par les Italiens du Mezzogiorno, ces immigrés du sud venus gagner leur vie dans les capitales industrielles du nord. Le dimanche, les entrepreneurs locaux venaient y embaucher les journaliers. Depuis les années 1980, les stands sont plutôt tenus par des immigrés nord-africains. Porta Palazzo continue ainsi sa tradition d’être le marché de ceux qui refont leur vie dans la capitale piémontaise. Aujourd’hui, les nouveaux arrivants sont les femmes roms, en jupes à sequins et fichus colorés, fraîchement débarquées de Roumanie.
Côté nourriture, le Marché de l’Horloge est une halle regorgeant de produits locaux (lors de notre passage, un festival d’agneaux et de porcelets tranchés dans la longueur et destinés à orner la table de Pâques) et des arcades réservées aux maraîchers locaux. Le samedi, Porta Palazzo héberge le Balon, le marché aux puces turinois (le deuxième dimanche du mois y a lieu le Gran Balon, une très vaste brocante).
Avec les marchés de Gênes, de Marseille et de Barcelone, Porta Palazzo fait partie du projet MedEmporion, le versant méditerranéen de l’association des marchés européens Emporion (qui regroupe également les Halles de Lyon, le Borough Market de Londres et le Központi Vásárcsarnok de Budapest). Cette association vise à promouvoir les marchés comme lieux de rassemblement social, de débats, d’échanges multiculturels, sans pour autant oublier la sécurité alimentaire. MedEmporion pourrait bientôt inclure d’autres fabuleux marchés méditerranéens, comme la Vucciria de Palerme ou le Bazar égyptien d’Istanbul.