Boisson emblématique de la ville de Turin, le bicerin est la savante superposition de trois couches distinctes : chocolat épais, café espresso et crème de lait mousseuse. S’il est servi dans tous les cafés de la ville, le vrai, l’unique bicerin se déguste chez son inventeur supposé, le café-pâtisserie « Al Bicerin ».
Parmi les nombreuses églises de Turin, ville du Saint Suaire, la plus émouvante est celle du Sanctuaire de la Vierge de la Consolation, la Consolata pour les autochtones. Ce sanctuaire très ancien est la juxtaposition de plusieurs styles : tour romane et modifications plus tardives sous l’égide des grands architectes baroques turinois, Guarino Guarini (au XVIIe) et Filippo Juvarra (au XVIIIe). La Consolation est un espace ovale entouré de petites chapelles également ovales, une sorte de multiplex religieux doré et chargé à souhait. Des murs entiers couverts d’ex-voto peints à la main témoignent de son importance dans la vie des Turinois.
Après l’émotion de la Consolata, il suffit de traverser la place pour s’asseoir dans un petit café-pâtisserie ouvert là depuis 1763. « Al Bicerin » a le charme désuet et l’accueil un peu formel et revêche des cafés historiques. On s’y installe en surveillant ses gestes pour y commander la boisson éponyme, le bicerin (prononcez « bitchérinn » ce qui signifie « petit verre » en piémontais), celle qui figure dans tous les guides touristiques et dans la correspondance d’Alexandre Dumas père, de Nietzsche ou de Puccini.
Quelques instants plus tard arrive un verre, aussi stratifié que le sanctuaire de l’autre côté de la place. Au fond, un chocolat chaud épais et sucré dont la préparation est tenu jalousement secrète (aurait-il un petit goût de cannelle ?). Au milieu, un café espresso bien amer et sans sucre. Et au-dessus, comme un battement d’ailes d’angelots, de la mousse de crème de lait.
Le bicerin serait né au XVIIIe siècle d’un ancêtre appelé « bavareisa » où les mêmes trois ingrédients étaient mélangés au lieu d’être superposés. Ici, pas question de mélanger, les trois couches se dégustent si possible séparément, et c’est ce « si possible » qui fait le charme du bicerin. Parfois les goûts se mêlent : c’est d’autant plus délicieux que le mélange semble coupable ! Riche, contrasté, un petit peu prétentieux, le bicerin est une boisson baroque parfaitement assortie à l’architecture turinoise.
Al Bicerin
Ouvert de 8h30 à 19h30 sauf le mercredi.
Piazza della Consolata 5 – 10122 Torino – Italie
www.bicerin.it