Comme tous les Provençaux, les Doudes vénèrent la pâte d’anchois, humble fille du très illustre garum des Romains et sœur des délicieux pissalat niçois et mélets martégaux. Grâce à sa richesse en acides aminés, dont le glutamate, la pâte d’anchois est le secret d’une cuisine savoureuse. N’hésitez pas à en user et à en abuser !
Il y a environ 4.000 ans, les Babyloniens connaissaient déjà les vertus gustatives des poissons salés fermentés. Ils en faisaient un condiment, le siqqu. Les Grecs l’ont probablement adopté et adapté sous le nom de garos, puis les Romains en ont fait leur garum (également appelé liquamen ou, sous sa forme pâteuse, hallex). On retrouve également ce type de condiment en Asie : nuoc nam vietnamien, nam pla thaïlandais, patis philippin, etc.
Le principe de ces condiments est toujours le même : des poissons (anchois, sardine, maquereau, thon, etc.) ou les viscères de ces poissons sont mis à fermenter dans le sel. Sous l’action des enzymes et des micro-organismes présents dans les intestins, le mélange s’autodigère. La pâte obtenue peut être utilisée telle quelle ou continuer à fermenter pour devenir liquide. Le résultat est un condiment riche en acides aminés, dont certains (acide glutamique, acide aspartique, alanine, etc.) ont la propriété d’amplifier les saveurs des plats qui les contiennent (c’est l’effet « umami », également obtenu avec du shōyu ou du parmesan).
En Provence et sur la Côte d’Azur, il subsiste divers descendants du garum : à Nice, le pissalat qui est une pâte faite à partir d’alevins de sardines (joliment appelés « poutine », mais aucun rapport avec le plat québécois) saumurés, fermentés et parfumés aux épices ; à Martigues, les mélets sont des alevins (d’anchois ? de melettes ?) préparés de la même manière et parfumés au fenouil et au poivre. Mais ces produits étant assez difficiles à trouver, la plupart des Provençaux se contentent de pâte d’anchois, moins goûteuse mais plus pratique.
Et que font les Doudes avec la pâte d’anchois ? Le plus souvent, elles font le quichet ! Le quichet, c’est de la pâte d’anchois diluée dans l’huile d’olive. On s’en sert pour faire une tartine ou comme vinaigrette pour une salade. Sur le même principe, diluée dans de l’huile d’olive maintenue chaude, la pâte d’anchois entre, avec l’ail et le lait, dans la préparation de la banha cauda provençale et piémontaise où l’on trempe des légumes crus taillés en bâtonnets.
Il existe mille autres manières d’utiliser la pâte d’anchois pour augmenter les saveurs d’un plat. Essayez le gigot d’agneau tartiné de quichet à l’ail : vous nous en direz des nouvelles ! Les cardons peuvent également se préparer avec de la pâte d’anchois. Mettez-en partout : la pâte d’anchois, c’est l’ingrédient mystérieux qui fera se pâmer vos convives ! Elle est assez difficile à trouver dans le nord de la France. Deux solutions : l’achat en ligne (par exemple, ici) ou bien la fabrication maison à partir d’anchois salés réduits en purée.