Au détour d’un marché, soudain, d’adorables micropatates rose bonbon crient « Festin de Doudette, nous sommes là ! ». Ils sont si jolis, ces bébés tubercules… on en mangerait ! Devant tant de « cuteness », comment imaginer que ces patates de Barbie sont les témoins d’au moins cinq mille ans d’agriculture andine ?
Malgré leur aspect, les ullucos (également appelées papalisas) ne sont pas des pommes de terre. Ce sont les tubercules d’une plante de la famille des Basélacées, Ullucus tuberosus, qui pousse en Amérique du Sud, du nord de l’Argentine au Vénézuela, jusqu’à plus de 4000 mètres d’altitude. Au Pérou, on a trouvé des traces d’ullucos dans des poteries datant d’il y a quatre mille ans et elles y sont probablement cultivées depuis au moins cinq millénaires.
Ces dernières années, les papalisas ont repris du poil de llama et sont désormais largement cultivées, non seulement en Amérique du Sud mais également en Nouvelle-Zélande. Selon les variétés, les tubercules d’ulluco changent de taille et de couleur : rose marbré de jaune, vert taché de rose, jaune, orange, rayées, mouchetées… Sur les marchés, diverses variétés sont vendues ensemble pour créer un patchwork coloré.
Si certaines ont une forme classiquement patatoïdes, d’autres sont saucissoïdes, pliées, tordues, frisées… Une variété courbée et tachée de brun est appelée « genou du Christ », une autre, rose, fine et tordue, est surnommée « crevette de terre ». Une troisième variété, jaune et courbe, répond au doux nom de « bébé au berceau ». Et la variété « piqûre de puce » est rose avec des points violets… Devant tant de poésie, il semble criminel de passer en cuisine.
Les ullucos se préparent bouillies, à la vapeur ou en ragoût. Du fait de leur richesse en eau (davantage que les pommes de terre), elles ne sont pas adaptées à la friture ou la cuisson au four. Certaines variétés, très riches en mucilages, sont utilisées pour donner un velouté parfait aux soupes. Les Péruviens mangent les papalisas avec de la viande séchée et salée (le « charqui »), les Boliviens les préparent avec des poivrons, de la viande et de l’ail pour faire un ají de papalisa. Sous la dent, les ullucos sont bien plus croquantes que les pommes de terre. Elles évoquent plutôt le jícama mexicain.
Alors, la prochaine fois que vous allez au marché, ou si vous passez par une épicerie sud-américaine, gardez l’œil ouvert pour ces adorables galets de couleur.