Vous pensez avoir tout vu en matière de pâtisserie ? Un dessert nommé « Blanc de poulet », vous connaissez ? Non content d’en avoir le nom et la forme, le tavuk göğsü est préparé AVEC du blanc du poulet… Vous sentez la nausée monter ? Allez, un peu de courage et laissez donc cette gourmandise ottomane vous fondre dans la bouche.
Le tavuk göğsü («tavuk», le poulet, «göğsü», la poitrine) est l’un des desserts les plus populaires en Turquie. Cet étrange objet culinaire fait partie des spécialités locales depuis l’époque ottomane. Comme de nombreux plats de cette époque, une légende est associée au tavuk göğsü. Une nuit, le Sultan aurait eu un petit creux pour quelque chose de sucré et d’original. Dans les gigantesques cuisines impériales de Topkapı, les chefs de quart paniquèrent car il ne restait pas grand-chose comme ingrédients pour préparer une pâtisserie. Un cuisinier, avisant des restes de poulet, aurait eu l’idée de se servir des fibres du blanc pour créer un dessert d’une texture inhabituelle.
La réalité est plus prosaïque et il semblerait que le tavuk göğsü soit issu d’un dessert italien du XVIIe ou XVIIIe siècle, importé et adapté à la cour du Sultan. Certains spécialistes font même remonter le tavuk göğsü à un dessert de l’Antiquité romaine. Légende ou pas, ne passez pas en Turquie, et en particulier à Istanbul, sans goûter au tavuk göğsü. Ou mieux encore, préparez-le chez vous selon la recette ci-dessous, et faites-le découvrir à vos amis en ne leur révélant l’ingrédient secret qu’après coup. Grimaces et cris garantis !
Vous pourrez ensuite philosopher sur le pourquoi de cette réaction instinctive, alors que personne ne trouve à redire au blanc de poulet dans les plats salés. Du poids des habitudes et des conventions dans l’alimentation…
Pour 6-8 personnes :
- 200-250 g de blanc de poulet cru
- 5 cuillerées à soupe de farine de riz
- 3 cuillerées à soupe de farine de maïs
- 1 litre de lait
- 300 g en sucre en poudre
- cannelle en poudre
- sel
Lavez bien le blanc de poulet sous le robinet et faites-le blanchir cinq minutes dans de l’eau bouillante. Plongez-le dans l’eau froide, puis coupez-le en dés. Avec les doigts, séparez soigneusement les fibres du blanc en éliminant tout morceau qui refuse de s’effilocher (la patience est de mise…). Placez les fibres dans de l’eau tiède.
Prenez une petite poignée de fibres, faites-les rouler entre vos paumes pour les essorer et mettez-les à tremper dans un bol d’eau tiède propre. Recommencez avec le reste des fibres. Cette opération (roulage, essorage, trempage dans de l’eau propre) doit être renouvelée jusqu’à ce que toute odeur de poulet ait disparu. Laissez ensuite les fibres tremper dans de l’eau chaude.
Mélangez les deux farines avec 125 ml d’eau froide. Faites bouillir le lait avec le sucre et une pincée de sel, puis incorporez-y lentement le mélange de farines. Laissez cuire trente minutes à feu moyen, en remuant sans interruption (oui, sans interruption…), jusqu’à obtenir une crème épaisse.
Essorez les fibres de poulet en les pressant avec la main et mélangez-les progressivement à la crème jusqu’à ce que le mélange soit bien homogène et commence à bouillir. Baissez le feu et laissez cuire doucement pendant quinze minutes, en remuant de temps en temps. Placez le mélange dans un plat de service ou dans des ramequins pour lui donner une forme évoquant… un blanc de poulet. Laissez refroidir le tavuk göğsü au moins douze heures. Servez saupoudré de cannelle.